Analyse du sol de la parcelle des Jardins St Lazare réalisée par Fabien



Connaitre la nature du sol est une étape essentielle qui détermine en grande partie le type de plantes qui peuvent être cultivées, la fertilisation qu’il convient d’apporter à la terre, et la nécessité ou non d’une couverture du sol. En bref, avant de savoir ce dont on a besoin ou envie, regardons ce que nous avons déjà. 

Un sol se caractérise par les propriétés suivantes :
  • Sa texture (ou structure) du sol c’est-à-dire sa teneur en gravier, sable, limons, et argile. Ces quatre éléments se distinguent dans l’ordre par une granulométrie (c’est à dire la taille des grains) de plus en plus petite. Cette caractéristique est essentielle pour se donner une idée de la porosité du sol à l’eau et à l’air, de sa capacité à fixer la matière organique, de la facilité du travail de la terre, de sa capacité à se réchauffer au printemps, à trop chauffer en été, etc. 
  • Son pH du sol (acide ou basique), qui traduit si la terre est plus ou moins calcaire. Cette caractéristique permet d’orienter notre choix des plantes/arbres cultivées car certain.e.s s’épanouissent davantage dans une terre acide, d’autres plutôt sur une terre basique. La plupart des plantes s’adaptent à une terre neutre qui est donc souvent considérée comme idéale. Le pH d’un sol joue également un rôle important sur :
  • Sa teneur en matières organiques (MO). C’est la nourriture pour les plantes ! Pour faire très simple, plus une terre sera riche de diverses matières organiques, plus la croissante des plantes sera prononcée. 
Il existe des tests très simples que chacun peut faire chez soi, avec un minimum de matériel, qui permettent d’avoir une bonne idée à la fois de la texture, du pH et de la teneur en MO d’un sol.  Un rapide tour sur internet nous a permis de constituer une bibliographie (non exhaustive) détaillée à la fin de cet article.  
  1. Texture du sol. 
Il existe plusieurs méthodes très simples pour déterminer la texture du sol. Dans notre cas, nous avons choisi le test dit du bocal, qui nous semblait – comparé au test dit du boudin -  le plus ‘rigoureux’. Disons que l’on se sent bien plus scientifique avec un bocal à la main, plutôt qu’avec un boudin entre les doigts. C’est probablement subjectif.

  1. Les pieds sur terre, la tête dans le bocal !

Ce test consiste à :
  1. Prélever un (préférablement plusieurs) échantillon(s) de terre sous la terre végétale (c’est à dire 10-20 cm de profondeur) à un (ou plusieurs) endroit(s) pertinent(s) du jardin. 
  2. Cet(s) échantillon(s) est (sont) ensuite disposé(s) dans un bocal transparent et mélangé(s) à de l’eau pour moitié-moitié. 
  3. On agite fortement pendant quelques minutes afin de décoller les éléments constitutifs les uns des autres puis on laisse reposer. 
  4. On répète cette opération quelques minutes plus tard. 

Les éléments dont la granulométrie est la plus élevée (gravillons, sable) vont sédimenter relativement rapidement (quelques minutes) suivis par les limons (quelques heures) et l’argile qui peut prendre un à deux jours. Après 48h, on peut relativement aisément distinguer les différentes strates de sédimentation et mesurer la proportion relative de sable, limons et argile à l’aide d’une règle graduée. On reporte alors ces pourcentages dans le triangle des textures qui permet de cartographier la structure du sol en fonction de la teneur relative en sable, limons et argile. Pour plus d’informations sur cette méthode, le lecteur pourra se référer à [1, 3]. Ci-après le résultat obtenu pour un échantillon de terre de la parcelle collective St Lazare :



Nous mesurons la hauteur relative de chacune des strates (photo à gauche), et déduisons que notre sol est constitué d’environ 55% de sable, 45% limons, et l’argile est indétectable à l’œil nu. En reportant ces valeurs sur le triangle des textures (figure de droite), nous tombons dans la zone des sols limon-sableux, sols typiques des bords de fleuves et rivières. Le Cher se situant à quelques 200 mètres de la parcelle, notre résultat n’a rien de surprenant. 

    1. Avantages, inconvénients, recommandations

D’après e.g. [8, 9], un sol limoneux a des avantages et des inconvénients résumés ci-dessous :

Avantages 
Inconvénients
  • Généralement riche et fertile
  • Léger donc facile à travailler
  • Se réchauffant vite au printemps
  • Perméable à l’eau et à l’air
  • Fragile mécaniquement
  • Tendance à former une croute dite de battance
  • Enclin à la compaction
  • Retient moins l’eau et les éléments nutritifs que les terres argileuses
  • Tendance à se lessiver au bout de quelques années
  • (Sur)chauffe en été. 

Pour ce type de sol, il est recommandé [10] : 
  • D’effectuer des apports réguliers en compost et fumier afin de palier au lessivage du sol. Nous reviendrons sur ce point par la suite concernant la quantité de matière organique à apporter.
  • De pailler les cultures avec un paillage organique (feuillage, foin, paille, etc) pour éviter la formation de la croute de battance, rafraichir le sol tout en évitant son dessèchement. Le pH du sol nous donnera par la suite autre une indication quant au type de paillage à utiliser. 
  • D’être vigilant avec l’irrigation : ne pas arroser en excès et préférer un arrosage en pluie fine.
  • De cultiver des engrais verts : moutarde, phacélie, seigle, trèfle incarnat, sainfoin. Nous reviendrons sur ce point par la suite car le pH du sol peut aussi indiquer le type d’engrais vert qu’il convient d’utiliser. 

La photo de gauche montre aussi que l’eau est restée claire après sédimentation du sable, des limons et de l’argile. Par conséquent, cette faible turbidité de l’eau indique une terre relativement peu riche en matières organiques dissoutes. Ce sol a donc probablement été lessivé au fil des années. La quantité de matières organiques solides qui flotte à la surface de l’eau est aussi un indicateur de la richesse du sol.  

Du fait que les terres limon-sableuses chauffent davantage et retiennent moins l’eau que les terres argileuses, ce type de sol semble assez peu propice aux cultures en buttes [11]. Ces dernières auront logiquement tendance à s’assécher lors des fortes chaleurs. Sans rentrer dans le débat apparemment très vif entre les pro-buttes et les plus sceptiques [12], il est de bons sens selon nous, de cultiver en planche ou terrasse de culture tout en suivant les recommandations citées plus haut, ces dernières s’inscrivant totalement dans une démarche permaculturelle.
  1. pH du sol
    1. 2.1.La chimie c’est de la cuisine, la cuisine c’est de la chimie.

Pour tester le pH du sol, nous avons suivi le protocole suivant [1, 4] :
  1. Disposer le même échantillon que celui utilisé précédemment dans deux récipients transparents.
  2. Dans le premier récipient, ajouter un peu de vinaigre blanc et mélanger. 
  3. Dans le second, ajouter un peu d’eau pour former une boue et ajouter du bicarbonate de sodium, puis mélanger.

Faire cuire au four 15min, thermostat 7. Non ! pour ce dernier point je plaisante. Dans les deux cas, soyez attentif à l’effervescence, c’est-à-dire la création de bulles. Plus une terre sera acide (pH < 7) et plus la réaction avec le bicarbonate de sodium sera importante. A l’inverse plus la terre sera basique (pH > 7), plus la réaction avec le vinaigre blanc sera vive. Si aucune effervescence ne s’observe ou si elle est identique pour le vinaigre et le bicarbonate, la terre est alors proche du pH neutre (pH = 7). Nous avons photographié le résultat quelques minutes après avoir versé le vinaigre (à gauche) et le bicarbonate (à droite).



On remarque une effervescence plus marquée avec le vinaigre (à gauche) qu’avec le bicarbonate (à droite). Par conséquent, le pH de cet échantillon de sol est basique c’est-à-dire que la terre est quelque peu calcaire. 

    1. 3.2.Recommandations pour un sol basique. 
Le pH du sol est un facteur important dans le choix des cultures [6]. Le tableau ci-dessous tiré de [6] récapitule les cultures à privilégier :


D’après la référence [7], 
  • « il va falloir apporter régulièrement de la matière organique sur le sol, notamment du fumier, du terreau et du compost. Pour cela, le compost demi-mûr (vers rouges encore présents et déchets insuffisamment décomposés) est bien indiqué car il entraine un développement important des bactéries et des champignons du sol dont les cellules et les filaments enrobent et soudent les éléments sableux calcaires ». Dans cette perspective, la référence [5] indique que pour un sol limon-sableux en présence de calcaire (basique), l’apport doit se situer à grosso-modo 1L de compost par mètre carré et par an.
  • « Par ailleurs, comme un sol ne doit jamais rester nu, non planté, il est possible de recourir aux engrais verts qui apportent au sol des substances organiques ». Dans un sol calcaire, la moutarde est notamment conseillée. 
  • « Le paillage organique est indispensable au sol calcaire car il limite son dessèchement : privilégiez les écorces ou épines de pin broyées qui acidifient le sol, mais également tontes de pelouse, feuilles mortes, etc. »
  • « Ne pas travailler le sol en profondeur »
  1. Rapport Carbone/Azote
Nous avons suivi le test de l’eau oxygénée, décrit notamment dans la référence [13]. Plus que de mesurer la quantité de matières organiques, il s’agit davantage de se donner une idée de l’équilibre Carbone(C)/Azote(N) des MOs présentes dans le sol. Ce test consiste à arroser un échantillon de terre avec l’eau oxygénée (à 10 ou 35%) et à observer attentivement l’effervescence de la réaction. Si l’effervescence est immédiate et de courte durée, le sol plus est riche en matières azotées qu’en matières carbonées. Si au contraire la réaction tarde à advenir, le rapport penche en la faveur du carbone. Si on observe une effervescence continue, longue et intense, le sol est équilibré en C/N. L’intensité de la réaction donne une idée de la quantité globale d’éléments carbonés et azotés. 

Nous avons fait cette expérience pour la terre de la parcelle mais aussi pour du terreau potager et du terreau de bruyère. Les résultats sont présentés sur la photographie ci-après avec au centre, la terre de la parcelle collective, à droite le terreau potager et à gauche de bruyère. La réaction fut plus soudaine, quoique moins intense et de plus courte durée concernant le terreau potager comparé à notre terre. Le terreau de bruyère ne présente aucune réaction. Par conséquent, il semble que le rapport C/N de notre terre soit plus élevé que celui d’un terreau potager. En revanche, ce test reste seulement qualitatif et ne permet de donner la quantité de carbone et d’azote.


Les références [14,15,16] nous proposent un tableau des éléments permettant de rééquilibrer le rapport C/N d’un compost ou d’un sol par ajout de ce compost. Parmi ces éléments, notons par exemple que :
  • les matières végétales vertes ont un rapport 7 à 10 carbone pour 1 azote, 
  • fumier C/N = 15 à 30 carbone pour 1 azote
  • foin C/N = 25 à 30 carbone pour 1 azote
  • les feuilles d’arbre C/N = 20 à 60 carbone pour 1 azote
  • le broyat de bois C/N = 60 à 150 carbone pour 1 azote.
On considère qu’un compost se décomposera de manière optimale et aura une bonne structure avec un rapport C/N entre 30 et 40, si bien que grosso-modo, un bon compost sera obtenu en mélangeant en quantité égale matières vertes végétales, feuilles d’arbres et broyat de bois. 
Conclusion:
Le sol de la parcelle collective est donc limon-sableux et quelque peu calcaire. Le rapport C/N semble pencher un peu vers le carbone. Par conséquent, le sol peut être amélioré avec des gestes simples :
  • Amender à hauteur d’environ 1 à 2 litres/m2/an de compost et fumier. Au moment d’amender, ne pas hésiter à mélanger le compost avec un peu de matières vertes pour rattraper le rapport C/N du sol.
  • Pailler les cultures avec un bon mélange azoté/carboné possiblement mélangé avec un peu de broyat de résineux pour compenser l’alcalinité du sol.
  • Planter des engrais verts, moutarde notamment. Ne pas enfouir, préférez les broyer et les disposer à la surface du sol.
  • Arroser sans excès et en pluie fine. 
  • Préférer les cultures en terrasse plutôt qu’en buttes qui auront tendance à chauffer et s’assécher en été. 
Bibliographie.
















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